
« Debout visage contre vitre dans son salon, le mot revenait chaque nuit. blackbird. Le merle, oiseau noir. blackbird. Un mot échappé d’une histoire, celle d’une femme qui avait tué sa fille pour la sauver. Elle aimait bien cette histoire, elle aimait bien ce mot noir dont elle était pourtant incapable de se souvenir à quel moment de l’histoire il apparaissait. Le merle était-il témoin du crime ? Emportait-il l’âme de l’enfant ? Volait-il au secours de la mère ? Ses pensées courraient le long des branches nus, presque indiscernables contre la façade voisine. Elles courraient comme toutes les nuits ces derniers temps, il était peut-être 4h. Un léger frisson lui parcourut le corps. J’ai froid, pensa-t-elle, il faudrait se recoucher. Elle était un peu contrariée. Elle n’avait pas envie de se recoucher. Elle chercha à reprendre le fil – blackbird, la mère et l’enfant – mais autre-chose était là depuis quelques secondes, autre-chose qui évinçait le merle, la mère et sa fille morte sans qu’elle ne pût mettre le doigt dessus. »
Texte écrit sur invitation du collectif Le Bruit, dans le cadre du festival du jardin du Pont de Chartreuse (Grenoble), en compagnie des auteur.rices Baptiste Lochon, Julie Lambert, Julien Pionchon, Lwambé, Maessane, Mathilde Gal et Tom Belleau.
Installation des textes dans le jardin dans le jardin : Margaux Dreyer.
Lecture mise en musique par Le Raffut Collectif, le 5 octobre 2025, dans la pénombre, sous les arbres (c’était beau !).
