Texte : Julia Burtin Zortea / Dessins et mise en page : Juli Jardel

Publié dans Bonnes femmes, mauvais genre, revue Z n°10, 2016 (10 pages).

Conte dessiné à l’encre de chine et au sang menstruel sur papier, librement adapté de l’article d’Yvonne Verdier, «Grands-mères si vous saviez… Le Petit Chaperon rouge dans la tradition orale », publié une première fois en 1978 dans Les Cahiers de la littérature orale, et réédité chez Allia en 2014.

Analysant le décalage entre les versions orales, rurales et populaires de l’histoire et leur traduction en conte pour enfant par Charles Perrault au XVIIe siècle, Yvonne Verdier s’interroge :

« On peut légitimement opposer l’insistance des versions orales de notre conte sur les fonctions féminines, qui, du reste, renvoient à la grande importance qui leur était accordée dans la société paysanne traditionnelle, au conte de Perrault, qui, lui, privilégie les relations de séduction entre le loup et la petite fille. Que s’est-il donc passé pour que cette dernière version devienne la version “populaire” par excellence (…) ? (…) Remarquons tout d’abord que ce déplacement d’accent n’est pas isolé. Ainsi, de la version que Perrault lui-même donne de La Belle au bois dormant – l’histoire d’une jeune fille qui, piquée à l’âge de 15 ans par un fuseau, s’endort, est réveillée par un prince qui, après lui avoir fait deux enfants, disparaît, la laissant seule avec sa belle-mère, laquelle tente de manger ses deux petits-enfants, puis sa belle-fille–, il semble aujourd’hui que l’on ait oublié le dernier épisode, fort développé dans le conte, pour arrêter l’histoire à l’arrivée du Prince Charmant. (…) Serait-ce donc que, depuis le XVIIe siècle, la société se masculinise ? Les grands pouvoirs et mystères du corps féminin célébrés dans les vieilles sociétés paysannes commenceraient-ils à être déniés dans la société qui se met alors en place ? La question serait à poser aux historiens. Substituer à une histoire de grand-mère une histoire de loup, arrêter La Belle au bois dormant à l’arrivée glorieuse du Prince Charmant, n’est pas un simple tour de passe-passe, mais montre que nous nous trouvons dans une société qui est autre que celle où les petites filles doivent suivre le chemin des épingles et manger leur grand-mère. »

Une présentation-vidéo de l’objet-fanzine a été réalisée par Les Abattoirs (Frac Occitanie Toulouse), en septembre 2023. À regarder ici.