Le 24 juin 1981, la Vierge apparait à six enfants dans le village isolé de Međugorje en Bosnie-Herzégovine, l’un des États de la République fédérative socialiste de Yougoslavie d’alors. Depuis, tous les jours à la même heure, cette dernière continue de se montrer et de transmettre ses messages aux six voyants. À mesure qu’un pèlerinage s’y développe, drainant chaque année des milliers de pèlerins en quête de soutien, Međugorje se métamorphose. L’histoire officielle de cette localité, qui commence à se revendiquer « croate » et « catholique », se fissure ; les morts et les conflits refoulés resurgissent, les positionnements politiques se durcissent jusqu’à ce qu’une guerre survienne.

Pendant une dizaine d’années, momentanément interrompue par les années de guerre, Élisabeth Claverie, directrice de recherche au CNRS, a suivi les pèlerins et enquêté sur cette « Vierge événement ». Publié en 2003 chez Gallimard, Les guerres de la vierge, une anthropologie des apparitions, restitue l’intense travail ethnographique de l’anthropologue à propos de ce lieu où la Vierge est tour à tour « croate, mère du juge, mère du rédempteur, mère de Dieu, ennemie du communisme, supercherie, rêve, vessies et lanternes, soldat oustachi, doublet du Christ, diable lui-même, soucoupe volante, « elle », voisine et amie des morts, corédemptrice, femme de l’Apocalypse, mièvre statue, image répressive d’une féminité dominée, chef de guerre ».

Cet entretien est issu du premier numéro de Jef Klak, « Marabout », 2014, disponible en librairie. Photographie de Patrick Imbert.

Accessible en ligne.