Dans Captifs et corsaires, L’identité française et l’esclavage en Méditerranée (éditions Anacharsis), l’historienne états-unienne Gillian Weiss, rattachée à l’université de Cleveland, analyse la formation d’une « identité française » d’État à travers le sort des captifs français réduits en esclavage dans les cités corsaires du Maghreb, entre 1550 et 1830. D’abord délaissés par le royaume, parce que considérés comme des accidentés du commerce maritime, ces prisonniers au statut fragile ont ensuite fait l’objet de tentatives de rachat par l’État français. Face aux captures, ce dernier à ainsi progressivement reconfiguré ses critères d’appartenance et sa politique extérieure, jusqu’à ce que le sort présumé de ces esclaves serve de prétexte à la colonisation au XIXe siècle. Se détournant des « typologies statiques », l’ouvrage érudit et fourmillant de Gillian Weiss emprunte à l’histoire sociale, diplomatique et culturelle, ainsi qu’à l’histoire de l’art, pour montrer l’évolution des « notions de liberté et de non-liberté en France », « la nature mouvante de l’esclavage, l’association entre libération et construction d’une nation, les racines impérialiste de l’abolition ».
Cet entretien a été publié dans le numéro 17 d’Article 11, 2014.
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